La question de l’acquisition de droits à congés payés pendant un arrêt maladie est remise une nouvelle fois sur le tapis, suite à une décision récente de la Cour de cassation. Sic fait le point.

Pour rappel, le Code du travail (art L 3141-3 C. tr.) subordonne l’acquisition des droits à congés à un travail effectif dans l’entreprise, certaines absence étant assimilées à des périodes de travail effectif. La période de maladie, non professionnelle, n’étant pas concernée par cette assimilation, n’ouvre pas droit à des congés payés pour le salarié. Ce principe général doit toutefois être tempéré sur deux points :

  • la convention collective, l’usage ou encore le contrat de travail peuvent prévoir des dispositions plus favorables ;
  • l’application des périodes d’équivalence (4 semaines ou 24 jours de travail donnent droits à 2.5 jours ouvrables de congé) permet à un salarié ayant travaillé 48 semaines sur l’année d’acquérir un droit à congés payés intégral (30 jours ouvrables).

L’évolution souhaitée par le droit européen

La directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 prévoit que « les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’in congé annuel payé d’au moins quatre semaines, conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par la législations et/ou pratiques nationales ».

Le droit européen déconnecte ainsi le droit à congé d’une quelconque contrepartie de travail effectif. Sur le fondement de cette directive, la Cour de justice de l’Union européenne, saisie qu’une question préjudicielle par la Cour de cassation, a jugé que le droit à congés payés « ne peut être affecté lorsque le travailleur est en congé maladie dûment justifié que ce soit à la suite d’une maladie ou d’un accident survenu sur le lieu de travail ou ailleurs » (CJUE 24 janvier 2012, aff. C 282/10). Par cet arrêt, la CJUE reconnaît au salarié un droit immuable aux congés payés, que le salarié ait été malade ou non pendant la période de référence.

Cet arrêt, qui avait en son temps fait couler beaucoup d’encre, créait une nouvelle source de passif social pour les entreprises qui n’avaient pas maintenu les droits à congés des salariés pendant un arrêt maladie, et semblait conditionner une évolution des positions françaises en la matière. Il n’en est rien.

La résistance française

La législateur n’a que partiellement tiré les conséquences du rappel à l’ordre européen, puisque, si la loi du 22 mars 2012 a supprimé la condition de durée de travail effectif minimal (10 jours) pour ouvrir droit à congés, elle n’as pas modifié le principe d’un droit à congés subordonné à une contrepartie de travail effectif.

Le législateur défaillant, on pouvait s’attendre à ce que l’alignement soit opéré par la Cour de cassation. Un premier revirement de jurisprudence opéré par la Haute juridiction (Cass. Soc. 3 juillet 2012, n°08-44834) pouvait le laisser augurer. Dans cet arrêt, la Cour de cassation a assimilé l’accident de trajet à un accident de travail pour l’acquisition des droits à congés payés, ouvrant la porte à une généralisation de l’assimilation à du temps de travail effectif à de nouveaux cas de suspensions du contrat de travail, dont la maladie.

La Cour de cassation a mis un coup d’arrêt à cette évolution réelle ou supposée dans un arrêt du 13 mars 2013 (Cass. Soc. 13 mars 2013, n°11-22285) où elle écarte purement et simplement l’application de la directive de 2003. Elle juge sans détours que « la directive n°2003/88/CE ne pouvant permettre dans un litige entre des particuliers, d’écarter les effets d’une disposition de droit national contraire (…), le salarié ne pouvait prétendre au paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés au titre d’une période de suspensions du contrat de travail ne relevant pas de l’article L 3141-5 du Code du travail. »

Ainsi, il faudra attendre une modification législative pour voir la Cour de cassation accorder des droits à congés aux salariés en maladie. On peut néanmoins supposer qu’à terme, la législation française sera contrainte de sa mettre en conformité avec la règles européennes, par simple application de la hiérarchie des normes. A défaut, l’Etat français pourrait se voir condamné à une amende, tandis que les employeurs seraient de nouveau soumis à un risque contentieux.