Décision du Conseil constitutionnel

 Relations fournisseurs-distributeurs

La loi relative à la consommation (dite « loi Hamon ») a été validée par le Conseil constitutionnel le 13 mars 2014 dans toutes ses dispositions portant sur les relations fournisseurs-distributeurs, à l’exception de la sanction administrative des mentions relatives aux taux et conditions d’exigibilité des pénalités de retard (sur les étapes de l’adoption du texte, cf. nos Flash Eco et Billets Blog Fidal).

Dans le prolongement de la Loi de modernisation de l’économie (LME, 2008), pour remédier à la persistance de pratiques interdites et rééquilibrer les relations commerciales, la loi propose certains ajustements aux dispositions du Titre IV du Livre IV du Code de commerce.

1/ L’instauration de sanctions administratives comme alternative à des sanctions civiles et pénales

L’Administration, avec des pouvoirs d’enquête renforcés (notamment, possibilité pour les enquêteurs de différer le moment où ils déclinent leur qualité) et au terme d’une procédure rapide, peut :

  • enjoindre à tout professionnel de se conformer dans un délai raisonnable à ses obligations telles qu’elles résultent du Titre IV du Livre IV du Code de commerce ;
  • prononcer une amende administrative pour sanctionner certains manquements au Titre IV du Livre IV du Code de commerce [nouveaux art. L. 465-1 et L. 465-2 C. com.] ; sous la réserve, exprimée par le Conseil constitutionnel, que le cumul de cette sanction avec une sanction pénale ne dépasse pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues.

2/ Un alourdissement de l’encadrement des relations entre fournisseurs et distributeurs

Les entreprises sont appelées à prévenir leur vulnérabilité au regard des nouvelles sanctions par :

  • une adaptation de leurs documents commerciaux. En effet :

–       les conditions générales de vente doivent stipuler des délais de paiement conformes à la nouvelle réglementation visant à mettre un terme à la pratique des délais de paiement cachés :

  • sauf stipulation contraire et « pourvu que cela ne constitue pas une clause ou une pratique abusive », la durée de « la procédure d’acceptation ou de vérification » des marchandises ou des services ne doit pas « avoir pour effet ni d’augmenter la durée, ni de décaler le point de départ du délai maximal de paiement (…) » [art. L. 441-6, IV. C. com.] ;
  • lorsque les parties ont recours à une facture périodique (telle que définie à l’art. 289 CGI), le délai de paiement « ne peut dépasser quarante cinq jours à compter de la date d’émission de la facture » [art. L. 441-6, I C. com.] ;

–       la  convention récapitulative doit indiquer :

  • le « barème des prix tel qu’il a été préalablement communiqué par le fournisseur avec ses conditions générales de vente », ou ses « modalités de consultation » [art. L. 441-7 , I C. com.] ;
  • les « réductions de prix » négociées [art. L. 441-7, I, 1° C. com.] ;
  • la « rémunération ou la réduction de prix globale afférente » aux obligations destinées à favoriser la relation commerciale ; la rémunération ou la réduction ne devant pas être « manifestement disproportionnées » (de même que la rémunération des services propres à favoriser la commercialisation des produits) [art. L. 441-7, I C. com.] ;

–       des contrats de mandat doivent formaliser les avantages promotionnels (NIP) que le fournisseur s’engage à accorder aux consommateurs en cours d’année, « précis[ant] notamment le montant et la nature des avantages promotionnels accordés, la période d’octroi et les modalités de mise en œuvre de ces avantages ainsi que les modalités de reddition de comptes par le distributeur au fournisseur » [art. L. 441-7, I C. com.] ;

–       les factures émises dans le cadre d’opérations exonérées de TVA ou transfrontalières doivent comporter les mentions obligatoires des art. 289 et 242 nonies CGI (pour harmoniser les dispositions du droit commercial avec celles du droit fiscal) [art. L. 441-3 C. com.] ;

  • et une modification de leurs comportements. En effet :

–       les CGV étant le « socle unique » de la négociation commerciale, le distributeur ne doit pas chercher à obtenir la modification des tarifs du fournisseur avant toute négociation de conditions particulières de vente ou avant la signature d’une convention récapitulative [art. L. 441-6 , al. 7 C. com.] ;

–       le prix convenu à l’issue de la négociation doit être appliqué au plus tard le 1er mars (« la date d’entrée en vigueur des clauses » de la convention récapitulative ne pouvant être « antérieure ni postérieure à la date d’effet du prix convenu ») [art. L. 441-7, I C. com.] ;

–       il est interdit « de passer, de régler ou de facturer une commande de produits ou de prestations de services à un prix différent du prix convenu » [art. L. 442-6, I, 12° C. com.] ;

–       il est interdit de formuler, « en cours d’exécution du contrat », une « demande supplémentaire visant à maintenir ou accroître abusivement ses marges ou de sa rentabilité » [art. L. 442-6, I, 1° C. com.] ;

–       le distributeur doit répondre « de manière circonstanciée à toute demande écrite du fournisseur portant sur l’exécution de la convention [récapitulative] » [art. L. 441-7, I C. com.] ;

–       les sociétés dont les comptes annuels sont certifiés par un commissaire aux comptes doivent publier des informations sur les délais de paiement non plus seulement de leurs fournisseurs mais également de leurs clients [art. L. 441-6-1 C. com.] ;

  • En outre, certains secteurs et contrats font l’objet d’un encadrement spécifique :

–       dans le secteur agricole :

  • stipulation obligatoire d’une clause de renégociation (dont le contenu est précisément défini par la loi, de même que les modalités et délais de la renégociation) visant à tenir compte des fluctuations (« à la hausse comme à la baisse ») des prix des matières premières agricoles (décret du 5 juin 2008, art. 1er : lait, céréales, oléagineux) dans les contrats d’une durée d’exécution supérieure à trois mois :
    • portant sur la vente de produits figurant sur une liste visée à l’art. L. 442-9 C. com. (décret du 5 juin 2008, art. 3 : « produits agricoles périssables ou issus de cycles courts de production, d’animaux vifs, de carcasses, (…) produits de l’aquaculture, (…) produits alimentaires de consommation courante issus de la première transformation de ces produits » ; liste éventuellement complétée par décret) [nouvel art. L. 441-8 C. com.] ;
    • ou dont la conclusion a été rendue obligatoire par décret postérieur à la Loi de modernisation de l’agriculture et de la pèche [art. L. 631-24 C. rur.] ;
    • ou définis dans le cadre d’accords interprofessionnels (contrats types) [art. L. 632-2-1 C. rur.] ;
  • délais de paiement spécifiques pour l’achat :
    • de raisins et de moûts destinés à l’élaboration de vins ainsi que de boissons alcooliques passibles des droits de circulation prévus à l’art. 438 CGI [art. L. 443-1 C. com.] ;
    • de bois vendus sur pied [art. L. 155-2 C. forest.] ;
  • pour l’achat de fruits et légumes frais :
    • l’acheteur, distributeur ou prestataire de services peut bénéficier de réfactions tarifaires résultant d’une non-conformité, qualitative ou quantitative, du produit livré à la commande, si un accord conclu par une organisation professionnelle (reconnue dans les conditions de l’art. L. 632-1 C. rur.) en a précisé les conditions (n’est pas pour autant supprimée l’interdiction générale des remises, rabais et ristournes en la matière) [art. L. 441-2-2 C. com.] ;
    • l’acheteur bénéficie d’un délai de 48h pour transmettre les documents devant accompagner les fruits et légumes frais destinés à la vente ou à la revente lors de leur transport sur le territoire national, lorsque ces derniers n’ont pas pu être présentés aux services de contrôle lors du transport [art. L. 441-3-1 C. com.] ;

–       dans le secteur du bâtiment : exigence d’acomptes mensuels pour le paiement de marchés privés entre professionnels [art. L. 111-3-1 C. constr. hab.] ;

–       en matière de contrats de sous-traitance : pour tout « achat de produits manufacturés fabriqués à la demande de l’acheteur en vue d’être intégrés dans sa propre production », indication obligatoire du prix ou des modalités de sa détermination, des conditions de facturation et de règlement, des responsabilités respectives des parties et des garanties, des règles régissant la propriété intellectuelle, de la durée de la convention ainsi que des modalités de sa résiliation et de règlement des différends [nouvel art. L. 441-9 C. com.].

Le texte devrait être promulgué dans les prochains jours par le Président de la République.

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